En réaction au rapport prospectif relatif aux infrastructures de transport (téléchargeable ici), présenté par Gérald Darmanin, Vice-Président de la région des Hauts-de-France en session plénière, je suis intervenu pour établir la position du groupe UDI-UC. J'ai pu, à cette occasion, mettre tout particulièrement en avant les problématiques qui touchent l'Oise comme par exemple le Canal Seine-Nord-Europe, ou encore le barreau Roissy-Picardie.
J'ai également défendu une vision de la politique des transports qui sert avant tout une stratégie territoriale visant à un aménagement équilibré et un développement partagé.
Ci-dessous mon intervention :
Monsieur le Président,
En politique, entreprendre un tel travail de prospective n’est jamais chose aisée. Réfléchir de manière globale à l’avenir d’une région tout en déclinant des projets concrets au service des habitants est cependant ce qu’on attend d’un exécutif.
Le travail que vous avez présenté Monsieur le Vice-Président relève à la fois de l’exercice de transparence, de l’impératif de pédagogie nécessaire à la conduite de toute politique publique et en même temps définit une ligne de conduite claire.
Priorité au ferroviaire qui deviendra le fer de lance de toute une politique tournée vers la construction de la mobilité de demain et la relance d’un grand secteur industriel, le transport.
Le groupe UDI-UC tient donc à saluer la pertinence de ce rapport prospectif qui est une excellente base de travail.
Comme vous, nous pensons que le transport revêt une importance tout particulière et qu’il faut en faire NOTRE priorité. Outre le fait qu’il s’agisse d’une des compétences historiques des régions, le transport façonne un territoire.
Le transport c’est ce qui détermine l’attractivité d’un territoire dans une économie mondialisée où les échanges et la performance des infrastructures sont centraux.
Le transport c’est ce qui permet à un territoire de vivre en étant désenclavé ou, au contraire, de mourir parce qu’on le réduit à n’être qu’une périphérie.
Le transport enfin, c’est ce qui façonne l’identité géographique d’un territoire. C’est par le transport que se vit concrètement une région au quotidien. Aussi, cette identité géographique est à construire dans une grande région qui est devenue un patchwork de réalités territoriales différentes. Un Nord-Pas de Calais marqué par un fait urbain dominant et une Picardie beaucoup plus rurale. Des départements limitrophes à l’Ile-de-France comme l’Oise et le sud de l’Aisne qui sont dans l’aire d’influence de la région capitale mais qu’il convient de considérer comme des traits d’union et non pas comme des périphéries. Des territoires frappés par la désindustrialisation qui pour certains ont réussi leur reconversion vers la nouvelle économie ou qui ont trouvé un nouvel élan, et d’autres qui sont des espaces d’excellence agricole. Une façade maritime qui nous ouvre sur le monde et un fait frontalier majeur qu’il faut intégrer comme une opportunité, là où certains y voient une menace. Nous sommes au carrefour de l’Europe, au cœur du continent le plus riche de la planète, et nous pouvons devenir l’interface de l’Europe vers le monde et ce grâce à nos grands ports.
Autant d’enjeux, de défis à relever et d’opportunités que vous avez su intégrer dans votre diagnostique et vos propositions.
"Le Canal Seine Nord Europe est
un projet irréversible"
Comme vous, nous pensons absolument nécessaire de décliner dans les plus brefs délais notre vision des transports en l’appliquant dans des projets concrets et qui touchent à la vie quotidienne des habitants des Hauts-de-France. C’est d’ailleurs le but de cette séance plénière où nous examinons des délibérations essentielles au devenir de certains projets majeurs.
Le Canal Seine Nord Europe tout d’abord, dont nous adoptons le plan de financement et les principes de gouvernance. C’est avec beaucoup de satisfaction que nous voyons aujourd’hui s’engager concrètement un projet que nous avons soutenu depuis longtemps.
Nous tenons d’ailleurs à souligner et à saluer l’engagement sans faille de Jean-Louis Borloo sur ce dossier majeur. Il a été l’un de ceux qui y croyait encore alors qu’ils étaient nombreux à vouloir enterrer le projet. Nous tenons également publiquement à remercier Dominique Riquet pour son action auprès des institutions européennes et sans qui nous n’aurions peut-être pas été retenus dans le cadre du mécanisme d’interconnexion en Europe, dit MIE.
Aujourd’hui, par cette délibération, nous marquons donc notre détermination à avancer et surtout nous disons clairement à tous nos partenaires et à tous les observateurs que ce projet est irréversible. Et ce ne sont pas les élections, fussent-elles présidentielle et législatives, qui changeront cela. Le lancement des études Magéo pour adapter le cours de l’Oise entre Creil et Compiègne, le lancement d’études visant à la mise au gabarit européen de tout le réseau navigable de la région réaffirmant par là même la vocation du canal qui est de créer un lien entre le nord et le sud de l’Europe, la remise en navigation du canal de Condé Pommeroeul, ou encore le lancement des études et des concertations pour améliorer la desserte ferroviaire du Cambresis et surtout la desserte de la future plateforme de Marquion témoignent de la détermination de la région.
Ce projet structurant sera la colonne vertébrale de notre région, et il peut être le point de départ d’une nouvelle histoire économique pour elle. Partant de Compiègne et reliant le réseau fluvial Dunkerque-Escaut-Lille, ce canal va irriguer toute notre région.
"Le Canal Seine Nord Europe doit avant tout
servir les habitants et les entreprises de
notre région"
Nous avons trois principaux défis à relever pour que ce projet soit à la hauteur de nos espérances :
Le premier : Nous devons tout mettre en œuvre pour que la construction du canal bénéficie aux entreprises et aux habitants de la région. Les attentes en la matière sont considérables sur le terrain. Nous devons mieux informer, mieux guider, mieux accompagner nos entreprises pour qu’elles soient capables d’être retenues dans le cadre des futurs appels d’offres. Nous devons trouver tous les moyens pour limiter l’utilisation des travailleurs détachés dont le gouvernement semble tout juste avoir pris la mesure du problème… il vaut mieux tard que jamais. Nous devons enfin faire en sorte que ce projet apporte une bouffée d’oxygène à tous ceux qui sont loin de l’emploi. C’est pourquoi le groupe UDI-UC demande que puisse être intégrée à chaque appel d’offres qui sera lancé une clause sociale d’insertion à même d’offrir des débouchés à tous les acteurs de l’insertion par l’activité économique qui œuvrent sur notre territoire régional. C’est une attente très forte de nombre d’associations intermédiaires, de chantiers d’insertion qui doivent être mieux informés, davantage associés à la conduite du projet. C’est pour nous une priorité.
"Les plateformes multimodales doivent être pensées
comme étant au service des
entreprises"
Le deuxième défi sera celui de la performance des plateformes multimodales. Sans ces plateformes, le canal ne sera qu’un vaste couloir de passage entre la Seine et le Nord de l’Europe. Un vaste couloir coupé des territoires et sans intérêt pour le développement économique. Maintenant que l’initiative de ces infrastructures revient aux collectivités locales, nous devons rapidement nous pencher sur la question de leur gouvernance et de leur financement. Naturellement la région doit, à nos yeux, être présente dans la gouvernance, ne serait-ce qu’au regard de leur impact en matière de développement économique et d’aménagement. La région doit aussi être présente pour apporter le soutien technique et en matière d’ingénierie territoriale tant ces projets sont complexes. Le groupe UDI-UC tient d’ailleurs à souligner l’importance d’associer le plus tôt possible les partenaires privés potentiels pour que ces plateformes répondent concrètement à leurs attentes. Ce sont eux qui feront le succès du canal, car il n’est au fond qu’un outil au service des entreprises. La plateforme de Longueil Sainte-Marie dans l’Oise, qui sera centrale lorsque le projet Magéo aura abouti, ou encore la plateforme multimodale de Valenciennes doivent servir d’exemples sachant que la démarche qui nous semble à privilégier est celle du dimensionnement progressif des plateformes aux besoins pour éviter les risques de disproportion.
"Nous devons accompagner les filières régionales
de la batellerie et de la logistique"
Enfin, dernier défi, il est celui des filières qui pourront se voir dynamisées par le canal et sur lesquelles nous devons rapidement intervenir.
En l’occurrence deux secteurs sont principalement concernés. La batellerie tout d’abord. Convaincus par la pertinence de l’infrastructure, les professionnels français de la batellerie sont cependant inquiets quant à leur capacité à affronter la concurrence notamment venue des pays du nord de l’Europe. Ils estiment que la France n’est pas suffisamment armée pour assurer la montée en tonnage permise par le canal. De la même manière, les chantiers navals spécialisés dans la construction et/ou la réparation de ces bateaux et barges sur notre territoire régional ne sont pas adaptés.
La logistique ensuite qui peut connaître un essor inédit comme vous le dîtes dans votre rapport M. le Vice-Président mais qui doit s’appuyer sur une politique incitative de formation et d’attractivité notamment foncière.
C’est pourquoi le groupe UDI-UC souhaite que des groupes de travail sectoriels puissent se réunir rapidement à l’initiative de la région afin de définir une politique incitative pour accompagner les professionnels par le biais d’aides à l’investissement.
"Le ferroviaire comme priorité pour désenclaver
les territoires"
Deuxième sujet majeur : le ferroviaire. Vous indiquez vouloir faire de la région un pôle d’excellence ferroviaire. Pour ce faire, le lancement de grands projets est nécessaire, grands projets qui répondent à la fois aux besoins de déplacements des habitants mais aussi à la connexion des plateformes multimodales du canal Seine Nord avec le réseau ferroviaire.
Le barreau Picardie-Roissy permettant enfin de donner une réelle connexion de la Picardie au réseau à grande vitesse mais aussi permettant à ceux qui travaillent à Roissy de s’y rendre dans de bonnes conditions.
La densification du réseau express régional permettant d’interconnecter les principaux pôles urbains de la région.
La desserte des grands ports régionaux qui est une priorité pour les faire entrer dans la compétition internationale et en faire des points de passage du commerce mondial.
De manière générale, le groupe UDI-UC attire votre attention sur l’importance de travailler également sur l’axe Est-Ouest (Calais-Bâle en l’occurrence) et pas seulement sur l’axe Nord-Sud tel que présenté dans votre rapport.
Tous ces projets majeurs doivent être réalisés dans un contexte très tendu puisque, comme vous l’indiquez, la région est également confrontée à un important retard dans l’entretien de certaines lignes du réseau nécessitant théoriquement plus de 450 millions d’euros d’investissement dans les 10 ans qui viennent. Le groupe UDI-UC s’inquiète d’ailleurs que certaines des lignes évoquées, Fierté-Milon/Fismes, Comines-La madeleine, Abbeville-Le Tréport, Lourches-Valenciennes, Hirson-Laon et Crepy en Valois-Laon par exemple, ne soient pas encore inscrites dans les Contrat de Plan Etat/région. Nous nous interrogeons donc sur les solutions envisageables et les possibilités qui nous sont offertes pour ne pas condamner ces territoires à l’isolement.
Outre les structures, c’est aussi la gestion de nos relations avec la SNCF qu’il est urgent de traiter avec un rééquilibrage nécessaire. Nous devons être les garants du bon fonctionnement des trains dans tous les aspects : sécurité, information aux passagers, régularité, etc. D’ailleurs, s’il est prudent de se préparer à l’ouverture à la concurrence des lignes à grande vitesse, cela est d’ores et déjà possible pour les lignes TER et mériterait une réflexion approfondie pour anticiper les futurs contrats de délégation.
Tous ces efforts doivent se coupler d’une action résolue contre la fraude qui coute cher à notre région. Tous ces projets, vous les engagez avec volontarisme. La récente décision d’affecter à la Picardie une partie des nouveaux trains prévus pour le Nord Pas de Calais témoigne de l’esprit pragmatique qui vous anime. Le groupe UDI-UC s’en félicite.
Enfin, comme vous, nous sommes attentifs à la troisième révolution industrielle et à la réduction de l’emprunte écologique de notre région.
Dans une région où la distance Domicile-Travail a le plus progressé entre 1999 et 2013, d’après le dernier recensement INSEE, et où l’essentiel des déplacements se font en véhicule personnel, on comprend l’absolue nécessité de travailler sur l’intermodalité des transports.
Au 21ème siècle, il est impensable que les frontières d’une ville, d’un département ou même d’une région, soient des freins au déplacement. C’est la raison pour laquelle nous devons impulser le développement d’outils performants permettant de mettre en relation tous les modes de déplacement (co-voiturage, train, lignes de bus, etc.) et ce en partenariat avec toutes les collectivités concernées.
Votre projet d’un syndicat unique au niveau régional mérite d’être examiné mais le groupe UDI-UC attire également votre attention sur la nécessité de penser aux territoires qui sont naturellement dans l’aire d’influence d’autres régions. Qu’il s’agisse de l’Ile-de-France, de la Champagne-Ardenne ou encore de la Normandie, nous voulons insister sur la nécessité de l’interopérabilité des futurs outils numériques qui seront développés pour s’assurer de la fluidité dans le transport.
Il s’agit d’ailleurs d’un moteur pertinent pour engager notre région sur la voie de la recherche et de l’excellence dans le domaine des transports.
La décongestion des pôles urbains, lillois notamment, et des autoroutes est également un enjeu tout autant économique qu’environnemental. Le canal Seine-Nord est une première réponse en ce qui concerne le transport de marchandises mais pour les habitants, toute la question repose sur la fiabilité des moyens de transport collectif.
Une autre grille de lecture, intégrant le redémarrage du fret ferroviaire entre Valenciennes et Mons, est une perspective à évaluer pour répondre à la saturation du hub lillois. En ce qui concerne le REGL, le groupe UDI-UC attire votre attention sur le cout d’un redimensionnement qui n’est que partiellement abordé.
"Les transports pour donner un visage à notre Région"
Pour conclure, si l’on devait résumer en quelques mots notre vision des transports, ce serait gérer l’urgence tout en préparant l’avenir. Le nombre de projets à mener est énorme et notre réussite reposera sur notre capacité à prioriser ces projets, se projeter dans une logique d’aménagement du territoire en concertation avec toutes les parties prenantes et tous les territoires.
Les schémas que nous devrons adopter avant la fin de l’année seront autant de guides de notre action à venir. Pour le groupe UDI-UC, toute politique en matière de transport ne saurait être conduite sans avoir une vision précise de l’aménagement du territoire que nous voulons.
C’est à cette seule condition que nous rendrons notre action lisible et compréhensible. C’est à cette seule condition que nous donnerons un visage à notre Région.
Merci
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Seul le prononcé fait foi
Daniel LECA